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Financement des SERM : à quoi l’État s’est-il engagé ? Conférence de financement et CPER

A l’image du Léman Express qui rencontre un large succès auprès du public, les collectivités locales françaises souhaitent développer des Services Express Métropolitains dans les grandes villes françaises

 

Après la trêve estivale, un nouveau gouvernement devrait être nommé cette semaine. Dans l’attente de cette nomination, les actuels membres du gouvernement démissionnaire ne peuvent aller au-delà de la gestion des affaires courantes, le premier dossier auquel le gouvernement devant s’atteler étant l’élaboration du budget 2025. Cela signifie en particulier que l’État ne peut pas prendre d’engagement financier pour de nouveaux projets.

En matière de transports, les collectivités locales sont dans l’attente de la concrétisation des annonces faites par le précédent gouvernement concernant les projets de Services Express métropolitains (SERM). L’une des dernières actions de l’actuel ministre démissionnaire des Transports Patrice Vergriete a, en effet, été de labéliser 24 projets de SERM. Or, comme l’a souligné l’association des Régions de France dans un communiqué, au-delà de cette labélisation, les collectivités territoriales « attendent toujours les engagements financiers de l’État ».

Dans cette période d’incertitude, et avant de connaitre les orientations du prochain exécutif, notre cabinet a fait un point précis sur les engagements pris à ce jour par l’État en matière de financement des SERM.

 

Loi Zulesi : annonce d’une conférence de financement à la tenue incertaine

Le déploiement de RER dans les grandes métropoles françaises a été annoncé par le Président de la République en novembre 2022. Cette ambition s’est traduite par le dépôt puis l’adoption de la proposition de loi de l’ancien député Jean-Marc Zulesi.

Le seul engagement en matière de financement prévu par cette loi se trouve dans son article 10. Ce dernier prévoit : « Une conférence nationale de financement des services express régionaux métropolitains est organisée avant le 30 juin 2024, afin de débattre des solutions à mettre en œuvre pour assurer un financement pérenne des dépenses d’investissement et de fonctionnement de ces services. Cette conférence examine notamment les évolutions des ressources fiscales et financières des collectivités territoriales pour assurer le fonctionnement de l’exploitation des services express régionaux métropolitains. »

L’organisation de cette conférence n’est pas, à proprement parler, un engagement du gouvernement. En effet, cet article a été ajouté en cours de travail parlementaire par le rapporteur de la loi au Sénat, Monsieur Philippe Tabarot. Le Sénateur indique sous la proposition d’amendement que l’organisation de cette conférence est « une première réponse à l’enjeu du financement des dépenses d’investissement et de fonctionnement des Serm (…) alors que les annonces gouvernementales de financement des Serm restent encore limitées ».

Il n’était pas possible pour les élus du Parlement d’aller au-delà de cette mesure. Les sénateurs et les députés ne peuvent en effet pas inclure dans une loi un mécanisme précis de financement sans recettes associées du fait de l’article 40 de la Constitution. Cet article précise que « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ». En d’autres termes, seul le gouvernement, par le biais de la loi de finances, peut flécher des ressources de financement pour les SERM.

Patrice Vergriete avait annoncé en juin dernier la tenue de cette conférence en septembre 2024. Mais cette annonce a été remise en cause par la décision du Président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale. La situation politique actuelle rend incertaine sa tenue dans les mois qui viennent.

 

Volets mobilités des CPER : un engagement inférieur à 10% des besoins

Les investissements de l’État pour des projets d’infrastructure de transport d’intérêt régional passent par les volets mobilités des contrats de plan État région (CPER). Ces contrats sont en cours de renouvellement et incluent pour la plupart des engagements de financements relatifs aux SERM.

Notre cabinet est donc allé collecter les volets mobilités des CPER disponibles sur les sites des Régions françaises ou les protocoles d’accord préfigurant ceux-ci, ou à minima des éléments descriptifs de ceux-ci dans des communications publiques des collectivités ou d’instances ayant été consultés. L’avancement des différents CPER est inégal selon les Régions.

Ce travail nous a permis d’élaborer le tableau suivant présentant la situation au 30 juillet 2024. En dehors de la région Bourgogne-Franche-Comté, dont le CPER ne distingue pas d’enveloppe spécifique pour les SERM[1], toutes les Régions y ont bien intégré des projets SERM.

Région Montant total (millions €) Financements État (millions €) Financement Région (millions €) Autres (millions €)
Auvergne-Rhône-Alpes 322 175 147
Bourgogne-Franche-Comté
Bretagne 168 53 45 71
Centre-Val de Loire 51 21 21 8
Grand Est 650 130 197 323
Hauts-de-France 297 121 139 37
Normandie 136 53 57 25
Nouvelle-Aquitaine 525 175 95 255
Occitanie 240 81 81 78
Pays de la Loire 107 57 18 32
Provence-Alpes-Côte d’Azur 163 54 51 58
Total 2 659 920 851 887

 

Note : Le contenu du « programme SERM » peut varier fortement d’une région à l’autre, certaines régions incluant la modernisation de ligne partant d’un nœud ferroviaire d’autres se limitant à des études.

 

Il est tout d’abord intéressant de comparer la liste des 24 projets labélisés par le gouvernement aux 25 projets inscrits aux CPER. Si ces listes sont globalement similaires, on trouve tout de même trois projets labélisés, non-inscrits dans un CPER (Côte d’Opale, Nice et Bretagne Sud) et au contraire, 4 projets inscrits au CPER, mais pas encore labélisés : Angers, Caen, La Rochelle et Le Mans.

Notre analyse met en évidence un montant légèrement supérieur aux chiffres ayant circulé dans la presse spécialisée il y a environ un an : environ 900 millions pour les sommes inscrites par l’État dans les volets Mobilités des CPER que nous avons consultés, alors que l’annonce initiale évoquait 800 millions d’euros. Comme le rappelait notre cabinet dans une publication précédente, l’estimation du coût d’investissement associé des SERM varie selon les projets inclus, mais se trouve dans une fourchette allant de 15 à 45 milliards d’euros. En d’autres termes, les montants inscrits au CPER sont sans commune mesure avec les besoins, bien en dessous de 10% du montant nécessaire.

 

Des engagements qui restent à concrétiser

En conclusion, si le précédent gouvernement a effectivement fait des annonces en labélisant dans l’urgence de nombreux projets avant les élections, il s’est très peu engagé en matière de financement. La tenue de la conférence de financement est repoussée sine die et les montants inscrits aux CPER sont en majorité des crédits d’études ou le financement de projets d’infrastructure existants de longue date, mais qui bénéficieront également au SERM (en particulier la désaturation de nœuds ferroviaires). Le gouvernement démissionnaire n’avait pas non plus pris d’engagement concernant la couverture des coûts de fonctionnement des futurs SERM.

Ce sera donc au prochain exécutif, si cela entre dans son programme et dans ses priorités, de concrétiser les promesses faites aux collectivités pour améliorer sensiblement l’offre de transport public dans métropoles et agglomérations françaises.

 

 

[1] En revanche, 297,10 millions d’euros sont consacrés au transport ferroviaire.

Source image d’illustration : Guilhem Vellut, via Wikimedia Commons

Auteur

LJG

Lila-Maud Judic-Gilot

Date

27 août 2024

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