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Gouvernance et SERM, analyse factuelle

S’intéresser à la gouvernance dans un secteur, c’est s’intéresser au rôle des acteurs dans un contexte et une période donnée. De ce fait, il faut éviter de raisonner dans l’abstrait, en premier lieu en allant regarder ce qui concrètement existe dans la loi et dans le cadre juridique en matière de pouvoir des différents acteurs en matière de SERM.

Au préalable, nous rappelons la définition du SERM donnée par la loi Zulesi (soulignement ajouté) :

 « Un service express régional métropolitain est une offre multimodale de services de transports collectifs publics qui s’appuie prioritairement sur un renforcement de la desserte ferroviaire. Cette offre intègre la mise en place de services de transport routier à haut niveau de service, de réseaux cyclables et, le cas échéant, de services de transport fluvial, de covoiturage, d’autopartage et de transports guidés ainsi que la création ou l’adaptation de gares ou de pôles d’échanges multimodaux. (…) Ils comprennent également des aménagements assurant l’accès et le stationnement sécurisés des véhicules de covoiturage, des autres moyens de mobilité partagée et des vélos. »

La nature avant tout ferroviaire du SERM est d’importance. Elle indique le niveau de collectivité qui doit nécessairement être impliqué dans la mise en place des SERM, en l’occurrence la région seule autorité compétente en matière de transport ferroviaire (cf. ci-dessous). Le reste de la définition – qui fait référence à d’autres modes de transport et en particulier le transport urbain, mais également des aménagements de la voirie – indique que d’autres niveaux de collectivité en premier lieu les EPCI, mais également les départements ou les communes peuvent être impliqués dans la gouvernance des SERM.

La construction de la présente note est la suivante :

  • À la fin de chaque sous-partie, nous mettrons en exergue une grande idée, une étape nécessaire dans la construction de la gouvernance des SERM.
  • En fin de note, nous pourrons synthétiser les 6 « idées clefs » indispensables à la mise en place d’une bonne gouvernance.

 

Dans un premier temps, cette présentation rappellera le cadre juridique :

  • Principes généraux posés par la constitution et le code général des collectivités territoriales (CGCT) et ses conséquences en matière de SERM.
  • Contenu de la loi SERM, mais également de la LOM, qui s’inscrit nécessairement dans ce cadre constitutionnel.

Dans un second temps, elle détaillera comment, dans ce cadre, les projets de SERM ne peuvent être réalisés que dans le cadre des conventions/contrats TER existants en Région, au moins pour leur partie ferroviaire.

Si la première partie de cette présentation peut sembler « enfoncer des portes ouvertes » en rappelant simplement le cadre juridique, ce rappel factuel nous paraît nécessaire avant d’entrer dans des débats sur une « gouvernance idéale » ou plus modestement sur les améliorations possibles de la gouvernance. Les SERM, n’allant pas s’abstraire des principes constitutionnels ni conduire à remettre en question fondamentalement l’organisation des mobilités en France, ils permettent selon nous de poser des bases saines pour une discussion plus théorique sur les modifications envisageables.

Note : dans cette note nous ne parlons pas de « métropoles », mais d’EPCI pour designer l’autorité en organisatrice des mobilités de la ville centre. En effet, dans les projets de SERM labelisés, on trouve tout niveau d’EPCI, allant de la métropole de Lyon, qui a un statut particulier, à la communauté de Communes (Côte d’Opale) en passant par la métropole (Nantes) et la communauté d’agglomération (Bayonne).

 

1.  Un principe constitutionnel l’absence de tutelle d’une collectivité sur une autre

 

Deux principes posés par la constitution :

  • Interdiction de la tutelle d’une collectivité sur une autre
  • La mise en place d’un « chef de filât »

Article 72 de la constitution

« Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant, lorsque l’exercice d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l’une d’entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune. »

a.    Interdiction de la tutelle d’une collectivité sur une autre

Ce principe, contenu dans l’article 72 de la Constitution, est décliné dans le CGCT.

  • Article L1111-3 :

« La répartition de compétences entre les communes, les départements et les régions ne peut autoriser l’une de ces collectivités à établir ou exercer une tutelle, sous quelque forme que ce soit, sur une autre d’entre elles ».

En filigrane cet article conduit à préciser que seul l’État est habilité à exercer un contrôle sur une collectivité territoriale et encore, dans les limites posées par la décentralisation. Au contraire, les collectivités territoriales sont placées sur un pied d’égalité face à l’État, qu’elles soient de même niveau (exp : deux régions), ou situées à des niveaux différents (exp : métropole vs région).

 

  • Article L1111-4 (2e phrase de l’alinéa 4)

« Les décisions prises par les collectivités territoriales d’accorder ou de refuser une aide financière à une autre collectivité territoriale ne peuvent avoir pour effet l’établissement ou l’exercice d’une tutelle, sous quelque forme que ce soit, sur celle-ci. »

Cet article prend soin de préciser l’article précédent, en rappelant que cette tutelle ne doit pas s’exercer de façon cachée, par un biais financier.

 

Idée clef n°1 : En matière de SERM, une région ne pourra pas imposer ses vues à un EPCI (et vice-versa, un EPCI ne pourra pas imposer ses vues à une Région).

 

b.   Champs dans lequel une collectivité peut avoir le « chef de filât »

Lorsqu’une compétence requiert une coordination entre différents niveaux de collectivités, la loi a créé la notion de « chef de file » : une collectivité a la charge de l’organisation de l’action commune (pour reprendre les termes de l’article 72 de la constitution).

Ce principe est décliné dans le CGCT Article L1111-9 et contient une disposition spécifique en matière de mobilité.

« La région est chargée d’organiser, en qualité de chef de file, les modalités de l’action commune des collectivités territoriales et de leurs établissements publics pour l’exercice des compétences relatives : (…)

7° Aux mobilités, notamment à l’intermodalité, à la complémentarité entre les modes de transports et à l’aménagement des gares ; »

Ce rôle de chef de file de la mobilité de la Région est détaillé à l’article L1215-1 du Code des transports.

La région est chargée d’organiser, en qualité de chef de file, les modalités de l’action commune des autorités organisatrices de la mobilité, notamment en ce qui concerne :

1° Les différentes formes de mobilité et l’intermodalité, en matière de desserte, d’horaires, de tarification, d’information et d’accueil de tous les publics ainsi que de répartition territoriale des points de vente physiques ;

2° La création, l’aménagement et le fonctionnement des pôles d’échanges multimodaux et des aires de mobilité, notamment en milieu rural, ainsi que le système de transport vers et à partir de ces pôles ou aires ;

3° Les modalités de gestion des situations dégradées afin d’assurer la continuité du service rendu aux usagers au quotidien ;

4° Le recensement et la diffusion des pratiques de mobilité et des actions mises en œuvre en particulier pour améliorer la cohésion sociale et territoriale ;

5° L’aide à la conception et à la mise en place d’infrastructures de transports ou de services de mobilité par les autorités organisatrices de la mobilité.

 

 Idée clef n°2 :  En matière de SERM, c’est la région qui est nécessairement « chef de file ».

 

c.    L’impossibilité pour une collectivité d’intervenir sur une thématique dans laquelle elle n’a pas compétence

 

La Loi du 7 août 2015 portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a réorganisé les pouvoirs des différentes collectivités. Elle a notamment supprimé la clause de compétence générale pour les régions et les départements. En d’autres termes, ils ne peuvent plus intervenir sur des domaines pour lesquels ils n’ont pas compétence. Les pouvoirs du département étant concentrés sur les questions sociales (RSA, exclusion, etc.), ils sont très faibles en matière de transport.

 

 Idée clef n°3 : En matière de SERM, chaque collectivité doit rester dans le champ de ses compétences :

·         La Région pour les transports interurbains (ferroviaires et routiers)

·         Les EPCI pour le transport urbain

·         Le rôle du département sera très restreint (1) entretien des routes départementales qui peuvent servir de support au SERM ainsi qu’ (2) au transport des élèves en situation de handicap.

·         Le rôle des communes est également restreint, à l’aménagement de voirie

2.  Droit spécifique aux mobilités (Code des transports)

 

a.    Seules les Régions sont compétentes en matière de transport ferroviaire

 

Le Code des transports est clair, seules les Régions sont compétentes en matière de transports ferroviaires. Article L2121-3

« La région est l’autorité organisatrice compétente pour l’organisation des services de transport ferroviaire de voyageurs d’intérêt régional. »

Néanmoins certains EPCI peuvent contribuer au financement de ceux-ci, conformément à l’article L2121-3-1 du Code des transports, mis en place par la LOM.

« Les métropoles, la métropole de Lyon et les communautés urbaines, en tant qu’autorités organisatrices de la mobilité au sens de l’article L. 1231-1, l’autorité organisatrice des mobilités des territoires lyonnais mentionnée à l’article L. 1243-1, ou les syndicats mixtes auxquels elles ont transféré leur compétence d’organisation de la mobilité peuvent contribuer au financement d’un service ferroviaire régional de voyageurs ou d’un service en gare situés dans leur ressort territorial afin de répondre à un besoin qui leur est spécifique ou d’assurer un surcroît de desserte. À cette fin, ils peuvent conclure une convention avec la région. »

 

Élément notable : les « plus petits » niveaux d’EPCI, c’est-à-dire les communautés d’agglomérations et les communautés de communes, ne peuvent pas, selon ce texte, contribuer au financement des services ferroviaires dans leur territoire.

 

Idée clef n°4 : En matière de SERM, seule la région a le pouvoir de commander des services ferroviaires, dans le cadre des contrats qu’elle conclut avec SNCF voyageurs ou avec ses concurrents. Les métropoles et les communautés urbaines peuvent toutefois financer ce service, si elle s’accorde avec la Région sur le contenu du service.

 

b.   Les EPCI sont compétentes pour le transport urbain desservant leur territoire

 

En matière de transport urbain, certains Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) exercent cette compétence de plein droit : métropoles, communautés urbaines, communautés d’agglomération, métropole de Lyon.

Pour de plus petites tailles, ce peut être soit la Région ou soit la communauté de communes qui exerce cette compétence, à la suite de la mise en application de la LOM. (Article L1231-1 du Code des transports).

Pour les SERM, les EPCI des villes-centres sont en général des métropoles, voire des communautés d’agglomération (Bayonne, Mulhouse, Chambéry, Avignon). Elles sont de facto compétentes en matière de transport. La communauté de communes de Côte d’Opale a pris la compétence transport. C’est également le cas en Bretagne où la quasi-totalité (sauf 3) des communautés de communes sont AOM, comme le montre la carte suivante du CEREMA.

On peut donc dire, dans le cas des 24 projets de SERM labelisés, que l’EPCI de la « ville centre » est compétente en matière de mobilité, quel que soit son statut (métropole, communauté d’agglomération ou communauté de communes).

Le ressort territorial de l’AOM correspond au périmètre de la structure (intercommunalité ou syndicat) qui exerce la compétence mobilité. (Article L1231-1-1 du Code des Transports)

Néanmoins, si l’étendu du SERM va au-delà du strict territoire de la ville-centre, d’autres AOM pourraient être impliqué : des communautés de communes, des syndicats mixtes ou des pôles d’équilibre territorial et rural (PETR) ayant pris la compétence ou la Région comme AOM de dernier ressort quand les communautés de communes n’ont pas voulu prendre la compétence.

 

Idée clef n° 5 : l’organisation des transports urbains inclus dans les SERM relève potentiellement d’une multiplicité d’AOM :

·         A minima – mais strictement inclus dans son périmètre – l’EPCI de la ville centre ;

·         Si le périmètre des SERM dépasse celui de la ville-centre, des communautés de communes voire la région en tant qu’AOM de dernier ressort.

 

c.    La loi Zulesi s’inscrit dans ce cadre et parie sur la collaboration des collectivités

La loi Zulesi ne remet pas en question la répartition des compétences et les principes constitutionnels exposés ci-dessus. Au contraire, elle part du postulat que ces principes sont fixés et met en place des outils additionnels permettant de faciliter la coopération entre différents niveaux de collectivité dans l’objectif de mettre en place des SERM.

En examinant le texte de la loi, notamment l’article L.1215-6 introduit dans le Code des transports, apparait clairement cette volonté de favoriser la coopération.

« Les projets de service express régional métropolitain font l’objet d’une concertation entre l’Etat, la région, les autorités organisatrices de la mobilité, les départements, et, le cas échéant, les gestionnaires d’autoroutes et de voie routière express du périmètre concerné. »

« Le statut de service express régional métropolitain est conféré par arrêté du ministre chargé des transports sur la base d’une proposition conjointe de la région et des autorités compétentes pour l’organisation de la mobilité contribuant au financement ce service »

Le positionnement de cet article au sein du code des transports est également riche d’enseignements : celui-ci se trouve en effet au sein du chapitre consacré aux modalités de l’action commune des autorités organisatrices de la mobilité, juste après un article en faveur de la mobilité solidaire et l’article général rappelant le rôle de chef de file de la région en matière de mobilité l’article l 1215-1 (cf. ci-dessus).

 

Idée clef n°6 : Un SERM ne peut être mis en place qu’avec la collaboration des différents niveaux de collectivités, a minima l’EPCI de la ville-centre et la Région.

 

3.  Synthèse et considération pratique

 

L’absence de majorité au Parlement rend complexe, si ce n’est impossible, l’adoption d’une nouvelle loi qui viendrait modifier les attributions de chaque niveau de collectivité en matière de transport. Elle rend encore moins crédible toute initiative de nature constitutionnelle.

Il faut donc réfléchir à la gouvernance des SERM dans le cadre actuel, celui des 6 idées clefs détaillées dans les 2 parties précédentes. On pourrait les synthétiser ainsi :

 

  • Une collaboration est nécessaire à la fois du fait de l’application du principe constitutionnel de décentralisation et de la loi Zulesi

Une région ne pourra pas imposer ses vues à un EPCI (et vice-versa, un EPCI ne pourra pas imposer ses vues à une Région). La collaboration, a minima entre ces deux niveaux de collectivité, est indispensable pour candidater au statut de SERM.

 

  • La région a un rôle spécifique en tant que chef de file et du fait de ses compétences en matière de transport ferroviaire

La région ayant un rôle de « chef de file » en matière de mobilité et les SERM s’appuyant « prioritairement », dans la définition donnée par la loi Zulesi, « sur un renforcement de la desserte ferroviaire ». Elle a donc un rôle particulier dans la mise en place du SERM.

La mise en place d’un SERM doit passera par le ou les contrats de service public ferroviaire régional. Exemples : SERM de l’EPCI de Rouen pour la Région Normandie et SERM des EPCI de Nice et Aix-Marseille pour la Région Sud.

Auteur

PPE_2024

Patricia Pérennes

Date

11 février 2025

Catégorie(s)

Articles parus

Thématique(s)