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SERM : débuter les projets avec un « premier choc d’offre ferroviaire »
Image : Leman Express, Genève, Suisse – Deposit Photos.
Leman Express à Genève. La grande amplitude horaire de ce service est l’une des clés de son succès
Investir dans un projet de SERM est une démarché coûteuse. Comme notre cabinet le mentionnait dans un des précédents articles de notre série, on peut estimer que la réalisation du vaste programme des SERM en France pourrait coûter entre 13 milliards et 40 milliards d’euros.
Cela signifie-t-il que les SERM ne pourront être lancés qu’une fois ces montants colossaux investis ? N’est-il pas possible d’initier les projets SERM à un horizon de plus court terme et avec des investissements moindres ?
François Durovray, tout comme son prédécesseur au poste de ministre des Transports, Patrice Vergriete, a mis en avant le déploiement d’autocars express comme une première phase de la réalisation des projets SERM. Cela semble pertinent, car a priori, les délais pour créer une ligne de transport routier sont nettement plus courts que ceux du mode ferroviaire. Aussi, même si à terme des investissements dans la voirie peuvent s’avérer nécessaires, lancer une nouvelle ligne de Car Express nécessite peu d’investissements.
Dans l’esprit d’une démarche pragmatique et frugale, une autre piste nous semble également prometteuse : le « premier choc d’offre ferroviaire » par la meilleure utilisation des moyens existants. Aujourd’hui, le réseau français est sous-utilisé en-dehors des périodes de pointe, y compris dans les grandes agglomérations. Le matériel roulant est également sous-utilisé, car il est stationné une grande partie de la journée.
Nous estimons qu’une amélioration significative de l’offre ferroviaire peut être réalisée à relativement court terme, avant d’entamer des travaux d’infrastructure ou d’acheter des rames supplémentaires.
Diagnostic : faiblesses de l’offre périurbaine dans les métropoles françaises
Sur les relations périurbaines, le concurrent principal du train est la voiture individuelle. Cela signifie, que comme son concurrent, l’offre ferroviaire doit être disponible à toute heure pour offrir une flexibilité se rapprochant de celle de la voiture. La vitesse commerciale est au contraire moins déterminante pour le choix modal des usagers.
Une offre ferroviaire SERM doit ainsi se rapprocher de celle des transports urbains, qui ont assez largement développé leur offre en fréquence et en amplitude :
- Offre disponible tout au long de la journée sans interruption (environ de 5h à 0h30), tous les jours, y compris le weekend
- Fréquence suffisamment élevée (toutes les 30 minutes) a minima, voire toutes les 15 minutes)
- Horaire régulier et mémorisable (départ aux mêmes minutes tout au long de la journée) par exemple, une même desserte sera proposée à 5h35, 6h05, 6h35, 7h05…
Notamment la desserte de soirée est une faiblesse de l’offre ferroviaire française par rapport à nos voisins européens, que ça soit l’Allemagne, les Pays-Bas, le Danemark, la Suisse, la Belgique…
L’exemple ci-dessus est frappant avec l’offre ferroviaire autour des métropoles de Rennes et de Nantes qui s’arrête trop tôt, ne répondant pas aux besoins des habitants de ces agglomérations.
Prenons l’exemple de la ligne périurbaine Villefranche-sur-Saône – Lyon – Vienne qui connecte ces trois pôles et dessert 14 gares intermédiaires dont Lyon Vaise, Lyon Perrache et Lyon Jean Macé.
La trame du plan d’exploitation de référence (PER) de SNCF Réseau prévoit 2 sillons par heure, permettant une fréquence aux 30 minutes tout au long de la journée.
Cependant, ce cadencement des sillons ne se traduit pas dans une cadence semi-horaire systématique :
On constate que l’offre aujourd’hui proposée est une fréquence à la demi-heure en pointe, à l’heure en flan de pointe, avec des creux de desserte de plus d’1h30. L’amplitude est très limitée avec une fin de service vers 20h, ce qui ne correspond pas aux rythmes de vie ni aux heures de travail.
Compléter le cadencement permet de créer plus d’offre avec les moyens existants
Comme démontré, les sillons sont conçus pour satisfaire le besoin de l’heure de pointe, de même la flotte de matériel roulant est dimensionnée pour l’heure la plus chargée. Ces moyens pourraient être mieux utilisés, et dans un délai relativement court.
Il y a également du matériel roulant disponible car moins sollicité en dehors de l’heure de pointe[1].
Il y a donc à court terme de la marge de manœuvre pour augmenter l’offre hors pointe, y compris en soirée et le weekend.
Ainsi, même avant la réalisation de grands projets d’infrastructure ou des investissements dans du matériel roulant, créer une offre renforcée en activant les sillons tout au long de la journée sur une amplitude augmentée est possible. Nous considérons cela comme une première étape de déploiement d’un SERM.
Pour illustrer, voici les graphiques espace-temps de la ligne Villefranche – Lyon – Vienne, représentant les roulements des rames :
Sur cette ligne, une offre doublée, cadencée aux 30 minutes toute la journée, peut être réalisée avec même une rame en moins.
Donc réduire l’offre hors pointe ne réduit pas le besoin en matériel roulant, mais désoptimise le système, tout en dégradant largement l’offre pour l’usager.
Densifier l’offre en-dehors de l’heure de pointe est économiquement pertinent
Densifier ou compléter l’offre en journée ne demande alors pas des investissements majeurs au préalable.
En ce qui concerne les coûts de fonctionnement, la densification de l’offre est économiquement intéressante pour les régions et les métropoles, car l’offre supplémentaire hors pointe peut être réalisée à coût marginal. Beaucoup de charges dépendent peu du kilométrage :
Avec des charges qui varient plutôt proportionnellement à l’offre :
- Qui peuvent augmenter notamment en cas de recours à de la maintenance de nuit et à cause d’une plus grande sollicitation ;
- Même si la proportion de la maintenance des rames réalisée la nuit augmente, la charge de maintenance devient moins chère par kilomètre, car on passe de la maintenance calendaire à la maintenance kilométrique ;
- Le coût des gares dépend que très peu du nombre de trains qui s’y arrêtent, et le système des péages des gares en tient compte ;Uniquement un tiers environ des péages d’infrastructure est variable avec le volume d’offre[2];
- Les conducteurs et accompagnateurs sont plus productifs si le niveau d’offre est stable en cours de journée.
Dans un de nos articles précédents, nous avions ainsi estimé que, à moyens constants, le coût d’un train-kilomètre supplémentaire de SERM est environ 11€, contre environ 27€ aujourd’hui en moyenne du TER. L’expérience montre, que le coût (marginal) des trains supplémentaires hors pointe est souvent quasiment couvert par les recettes du trafic.
Même si la demande était moindre pour les trains en journée que pour les trains de pointe, ce plus faible coût d’exploitation permet de maintenir un bilan économique favorable. Or, l’effet sur la fréquentation peut aussi être contraire, si la nouvelle offre est considérée comme pertinente par les usagers et ceux qui ne le sont pas aujourd’hui.
Aujourd’hui, la pratique de maintenance de l’infrastructure par SNCF Réseau ne permet pas une cadence continue tout au long de la journée, ni des trains tardifs, à l’exception des samedis et dimanches. La modernisation de ces pratiques de maintenance du réseau ferroviaire reste un enjeu à traiter pour la mise en œuvre des SERM.
Conclusion
En synthèse, un « premier choc d’offre ferroviaire » peut être réalisé à court terme, comme une première étape de mise en place d’un SERM. Ce choc d’offre implique un cadencement complet toute la journée et peut se faire à moyens constants.
Une telle approche progressive et pragmatique est souhaitée par de nombreuses parties prenantes, telles que la FNAUT, l’association « Objectif RER Métropolitains » ou encore l’association « Rallumons l’Étoile » qui défend la mise en place d’un SERM à Toulouse.
Cette amélioration de l’offre ferroviaire à moyens constants, première étape de mise en place d’un SERM, permettrait également de tester la pertinence d’un futur SERM auprès des usagers et de donner envie aux citoyens et collectivités d’aller plus loin moyennant, dans une seconde phase, des investissements plus lourds.
[1] En moyenne, une rame TER roule 350km par jour, alors qu’elle pourrait rouler 2 fois plus comme c’est le cas dans des pays voisins.
[2] Pour être précis : la redevance de marché ayant été annualisée pour les TER, les circulations supplémentaires ne paient que la redevance de circulation.
Retrouvez notre démarche d’accompagnement SERM TM via le lien suivant : https://www.trans-missions.eu/solutions/demarche-serm-tm/
Auteur
Andreas Wettig
Patricia Pérennes
François Grébouval
Ivan Toquet
Date
13 décembre 2024